Face à face avec l'auteur : Domenica Ruta et Justin St. Germain
Domenica Ruta est née et a grandi à Danvers, dans le Massachusetts. Elle est diplômée du Oberlin College (université d'arts libéraux) et a obtenu un MFA (Master of Fine Arts) au Michener Center for Writers de l'université de Texas à Austin. Elle vit à Brooklyn. La première partie de ses mémoires, With or Without, a été qualifiée par The New York Times Book Review de "réalisation multi-couches sensationnelle".
Domenica Ruta : Qu'espéreriez-vous que votre mère ressente si elle lisait ce livre ?
Justin St. Germain : Je voudrais qu'elle pense que je leur ai rendu justice, à elle et à son histoire. Rendre justice n'est peut être pas le bon terme mais je pense avoir ouvertement écrit ce livre pour d'une part l'honorer et d'autre part empêcher qu'elle ne puisse paraître pour une sorte de sainte.
DR : En tant que lecteur on perçoit, à sa façon de vous donner tout ce qu'elle pouvait, que votre mère était une mère aimante ; mais vous nous montrez aussi les choses qu'elle ne pouvait pas vous donner car elle ne le possédait pas elle-même. C'est très bien fait. Comment vous sentez-vous face à cela aujourd'hui?
JSG : J'ai beaucoup bataillé avec l'idée que le portrait que j'allais dresser de ma mère serait quasiment le seul que les gens pourraient jamais avoir d'elle. La plupart des gens qui vont lire ce livre n'auront pas plus de contexte. Il ne l'auront pas connue et ne rencontreront aucune autre personne l'ayant connue. Et puis j'ai fini par me dire « Si je ne parle pas d'elle personne ne le fera et les gens ne sauront même pas qu'elle a existé. » Je voulais que les gens sachent qui elle était et ce qu'avait été sa vie ; puis derrière cette histoire, parler de la façon dont la société américaine perçoit les meurtres et la violence, en particulier celle faite aux femmes.
DR : Vers quels auteurs vous êtes vous tourné, de manière générale ou plus spécifique, lorsque vous avez écrit Son of a Gun ?
JSG : Lorsque j'ai commencé à écrire un ami m'a donné un livre de James Ellroy, My Dark Places, et ça a tout simplement renversé toute idée que je pouvais avoir alors sur ce que j'essayais de faire et sur comment je pouvais le faire. Avant ce livre j'avais écrit des fictions et je n'avais aucune idée de la manière dont je pourrais structurer des mémoires, du coup j'ai beaucoup lu pour voir comment les autres se débrouillaient avec cet exercice : David Shields, Leslie Marmon Silko, Michael Ondaatje, In Cold Blood, paraissaient être des lectures obligatoires pour se plier au genre. Mais je pense que, sous n'importe quelle forme littéraire que ce soit, lorsque vous parlez d'une histoire de meurtre aux États-Unis vous devez d'abord composer avec ce contexte.